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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

bunaux, il veut aussi la vengeance en tant que particulier : mais, de plus, en tant que membre de la société qui raisonne et qui prévoit, il voudra la vengeance de la société sur quelqu’un qui ne la vénère pas. Ainsi, par la punition juridique, tant la doctrine privée que la doctrine sociale, sont rétablies : c’est-à-dire… la punition est une vengeance. — Il y a certainement aussi dans la punition cet autre élément de la haine décrit plus haut, en ce sens que, par la punition, la société sert à la conservation de soi et effectue la riposte pour sa légitime défense. La punition veut préserver d’un dommage futur, elle veut intimider. Donc, en réalité, dans la punition, les deux éléments si différents de la haine sont associés, et c’est peut-être ce qui contribue le plus à entretenir cette confusion d’idées grâce à quoi l’individu qui se venge ne sait généralement pas ce qu’il veut.

34.

Les vertus du préjudice. — En tant que membres de certains groupements sociaux, nous croyons ne pas avoir le droit d’exercer certaines vertus qui, en tant que particuliers, nous font le plus grand honneur et un plaisir sensible, par exemple la grâce et l’indulgence contre les égarés de toute espèce, — et, en général, toute façon d’agir où l’avantage de la société souffrirait par notre vertu. Aucun collège de juges n’a le droit de faire grâce devant sa conscience : c’est au souverain seul, en tant qu’individu, que l’on a réservé cette prérogative, et l’on se réjouit lorsqu’il en fait usage,