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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

certains hommes ont vécu, c’est ainsi que sans cesse ils ont évoqué le sens du monde, en eux-mêmes et hors d’eux-mêmes ; et ce fut surtout l’un d’entre eux, un des plus grands hommes qui soient, l’inventeur d’une façon de philosopher héroïque et idyllique tout à la fois : Épicure.

296.

Calculer et mesurer. — Voir beaucoup de choses, les peser les unes en face des autres, en faire le décompte, en tirer une conclusion rapide et en établir la somme avec assez de certitude, c’est là ce qui fait le grand politicien, le grand capitaine et le grand commerçant : — c’est donc la rapidité dans une sorte de calcul mental. Ne voir qu’une seule chose, y trouver le seul motif d’agir, l’étalon qui détermine toute autre action, c’est ce qui fait le héros et aussi le fanatique : — c’est donc une dextérité à mesurer avec un seul mètre.

297.

Ne pas voir au mauvais moment. — Durant qu’il vous arrive quelque chose, il faut s’abandonner à l’événement et fermer les yeux, donc ne pas jouer l’observateur tant que l’on y est. Car cela gâterait la bonne digestion de l’événement : au lieu d’y gagner de la sagesse on y gagnerait une indigestion.

298.

La pratique du sage. — Pour devenir sage, il faut vouloir que certaines choses arrivent dans votre vie, donc se jeter dans la gueule des événe-