Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/107

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Qu’importent tous les élargissements des moyens d’expression, si ce qui exprime, c’est-à-dire l’art lui-même, a perdu la règle qui doit le guider  ? La splendeur picturale et la puissance des sons, le symbolisme de la résonance, du rythme, des couleurs dans l’harmonie et la dissonance, la signification suggestive de la musique, toute la sensualité dans la musique que Wagner a fait triompher — tout cela Wagner l’a reconnu dans la musique, il l’y a cherché, l’en a tiré, pour le développer. Victor Hugo a fait quelque chose de semblable pour la langue : mais aujourd’hui déjà on se demande, en France, si, dans le cas de Victor Hugo, ce n’a pas été au détriment de la langue… si, avec le renforcement de la sensualité dans la langue, la raison, l’intellectualité, la profonde conformité aux lois du langage n’ont pas été abaissées  ? En France, les poètes sont devenus des artistes plastiques, en Allemagne les musiciens des comédiens et des barbouilleurs — ne sont-ce pas là des indices de décadence  ?

64.

Il y a aujourd’hui un pessimisme du musicien, même parmi les gens qui ne sont pas musiciens. Qui ne l’a pas rencontré dans sa vie, qui ne l’a pas maudit, ce malheureux jeune homme qui martyrisait son piano, jusqu’au cri de désespoir, qui, de ses propres mains, roulait devant lui la bo