Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/196

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ocent et immortel : notre existence d’ici-bas est une vie fausse, déchue, souillée de péchés, une expiation… La lutte, le travail, la souffrance, la mort sont considérés et appréciés comme des objections contre la vie, comme quelque chose d’anti-naturel, quelque chose qui ne doit pas durer ; contre quoi l’on a besoin de remèdes, contre quoi l’on possède des remèdes !… L’humanité s’est trouvée depuis Adam jusqu’à aujourd’hui dans des conditions anormales : Dieu lui-même a donné son fils pour les fautes d’Adam, afin d’en finir de ces conditions anormales sur la terre : le caractère naturel de la vie est une malédiction ; le Christ remet dans les conditions normales celui qui croit en lui : il le rend heureux, oisif et innocent. — Or, la terre n’a pas fini par être fertile, sans travail ; les femmes n’enfantent pas sans douleurs ; la maladie n’a pas cessé ; les plus croyants sont aussi mal en point que les incrédules. Mais l’homme est délivré de la mort et du péché - des affirmations soutenues par l’Église, d’autant plus catégoriquement qu’elles ne permettent aucune espèce de contrôle. " Il est exempt de péchés " - non à cause d’un acte personnel, non par suite d’une lutte rigoureuse de sa part, mais racheté par l’acte de rédemption - par conséquent il devient parfait, paradisiaque… La vie vraie cependant n’est qu’une croyance (c’est-à-dire une illusion, une folie). Toute l’existence véritable de lutte et de combat, pleine de