Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/219

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nine, avec sa secrète éloquence diffamatrice, sourit à toutes les lâchetés, à toutes les vanités des âmes lasses - et les plus forts ont des heures de lassitude -, comme si tout ce qui, dans de pareils moments, pouvait sembler le plus utile et le plus désirable, la confiance, l’ingénuité, la modestie, la patience, l’amour des semblables, l’abnégation et la soumission à la volonté de Dieu, une sorte d’abdication de tout son moi, comme si tout cela était par soi-même quelque chose d’utile et de désirable ; comme si l’humble petite âme avortée, le vertueux animal de la moyenne, le mouton du troupeau, qui ose s’appeler homme, voulait non seulement avoir rang avant l’espèce d’homme plus forte, plus méchante, plus avide, plus altière, plus prodigue et, pour ce, cent fois plus exposée au danger, mais encore présenter à l’homme l’idéal absolu, le but, l’étalon, l’objet du plus haut désir. L’érection d’un pareil idéal fut jusqu’à présent la plus inquiétante tentation à quoi fut exposé l’homme : car, par elle, l’exception mieux venue, le coup de bonheur dans la création de l’espèce humaine, ces fortes individualités, où la volonté de puissance et de développement du type homme tout entier font un pas en avant, étaient menacées de destruction. Avec les évaluations de cet idéal, la croissance de ces hommes plus qu’humains devait être entravée dans ses racines. Car ces hommes acceptent volontairement, à cause de leurs exigences et de leurs tâches