Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/241

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l’avenir : la valeur, le sens, le cercle des valeurs étaient fixes, absolus, éternels, uns avec Dieu… Ce qui déviait de ce type éternel était impie, diabolique, criminel… Chaque âme trouvait en elle-même le point d’appui de sa valeur : salut ou damnation ! Le salut de l’âme éternelle ! Forme extrême de la personnalisation… Pour chaque âme il n’existait qu’un seul perfectionnement ; un seul idéal ; un seul chemin du salut… Forme extrême de l’équivalence liée à un agrandissement optique de sa propre importance jusqu’à la folie… Rien que des âmes follement importantes, tournant autour d’elles-mêmes avec une peur épouvantable…

Personne ne croit plus maintenant à ces grands airs absurdes : et nous avons passé notre sagesse à travers le crible du mépris. Malgré cela on conserve avec persistance l’habitude optique qui consiste à chercher une valeur dans l’homme en le rapprochant d’un homme idéal : on maintient au fond, tant la perspective de personnalisation que l’équivalence devant l’idéal. En somme, on croit savoir ce qui, par rapport à l’homme idéal, forme l’objet du désir suprême… Mais cette croyance n’est que la suite des mauvaises habitudes introduites par l’idéal chrétien dans