Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/289

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du prochain trouve des fondements nouveaux (comme une sorte d’amour de Dieu). Partout on introduit l’idée de Dieu et on extirpe l’idée d’utilité ; partout on nie l’origine véritable de toute morale ; on détruit de fond en comble la génération de la nature qui consiste précisément à reconnaître une morale naturelle. D’où vient la séduction d’un pareil idéal mutilé ? Pourquoi n’en sommes-nous pas dégoûtés, comme nous le sommes, par exemple, à l’idée que nous nous faisons du castrat ?… La réponse saute aux yeux, car ce n’est pas non plus la voix du castrat qui nous dégoûte, malgré la cruelle mutilation qui en est la cause ; au contraire, cette voix est devenue plus douce… Par le fait que l’on a extirpé à la vertu ses " parties viriles ", celle-ci a pris des intonations féminines qu’elle n’avait pas précédemment. Si l’on songe, d’autre part, à l’épouvantable dureté, aux dangers et aux incertitudes qu’une existence de vertus viriles entraîne avec elle - l’existence d’un Corse, même d’un Corse d’aujourd’hui, ou bien celle d’un Arabe païen (qui est semblable dans toutes ses particularités à l’existence des Corses : certains chants arabes pourraient être composés par des Corses) - on comprendra comment c’est précisément l’espèce d’hommes la plus robuste qui se laisse fasciner et ébranler par ces intonations voluptueuses de " bonté ", de " pureté "… Une mélodie