Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/32

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un fleuve qui veut arriver au terme de son cours, qui ne réfléchit plus, qui craint de réfléchir.

3.

— Celui qui prend ici la parole n’a, au contraire, rien fait jusqu’à présent, si ce n’est réfléchir et se recueillir : en philosophe et en solitaire par instinct, qui a trouvé son avantage dans la vie en dehors, à l’écart, dans la patience, l’ajournement et le retard ; tel un esprit hasardeux et téméraire qui souvent s’est égaré dans tous les labyrinthes de l’avenir, tel un oiseau prophétique qui regarde en arrière lorsqu’il raconte ce qui est l’avenir, premier nihiliste parfait de l’Europe, mais qui lui-même a déjà surmonté le nihilisme, l’ayant vécu dans son âme — le voyant derrière lui, au-dessous de lui, en dehors de lui.

4.

Car il ne faut pas se méprendre sur le sens du titre que veut prendre l’évangile de l’avenir. " La Volonté de Puissance. Essai d’une transmutation de toutes les valeurs " — dans cette formule s’exprime un contre-mouvement, par rapport au principe et à la tâche ; un mouvement qui, dans un avenir quelconque, remplacera ce nihilisme complet ; mais qui en admet la nécessité, logique et psychologique ; et ne peut absolument venir qu’après lui et par lui. Car pourquoi la venue du nihili