Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/44

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me, avec leur croyance que les valeurs morales sont des valeurs cardinales. Celui qui a abandonné Dieu tient avec d’autant plus de sévérité à la croyance en la morale.

5.

Critique du nihilisme

Le nihilisme, en tant que condition psychologique, apparaîtra, premièrement, lorsque nous nous sommes efforcés de donner à tout ce qui arrive un " sens " qui ne s’y trouve pas : en sorte que celui qui cherche finit par perdre courage. Le nihilisme est alors la connaissance du long gaspillage de la force, la torture qu’occasionne cet " en vain ", l’incertitude, le manque d’occasion de se refaire de quelque façon que ce soit, de se tranquilliser au sujet de quoi que ce soit — la honte de soi-même, comme si l’on s’était dupé trop longtemps… Ce sens aurait pu être : l’" accomplissement " d’un canon moral supérieur dans tout ce qui est arrivé, le monde moral ; ou l’augmentation de l’amour et de l’harmonie dans les rapports entre les êtres ; ou la réalisation partielle d’une condition de bonheur universel ; ou même la mise en marche vers un néant universel — un but, quel qu’il soit, suffit à prêter un sens. Toutes ces conceptions ont cela de commun qu’elles veulent atteindre quelque chose par le processus lui-même : — et l’on s’aperç