Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 1, 1903.djvu/63

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es).

On a désappris de prêter à cette fixation d’idéal une réalité personnelle : on est devenu athée. Mais a-t-on par là renoncé à l’idéal  ? — Les derniers métaphysiciens cherchent en somme toujours dans celui-ci la " réalité " vraie, la " chose en soi ", par rapport à quoi tout le reste n’est qu’apparence. Ils érigent en dogme que, notre monde des apparences n’étant visiblement pas l’expression de cet idéal, il ne saurait être " vrai " — il ne saurait même pas remonter à ce monde métaphysique qu’ils considèrent comme cause. Il est impossible que l’inconditionné, en tant qu’il représente cette perfection supérieure, soit la raison de tout ce qui est conditionné. Schopenhauer, qui voulait qu’il en fut autrement, était forcé d’imaginer ce fond métaphysique comme antithèse à l’idéal, comme " volonté mauvaise et aveugle " : celui-ci pouvait être ainsi " ce qui apparaît ", ce qui se manifeste dans le monde des apparences. Mais par là il ne renonçait pas à cet absolu d’idéal…

(Kant semblait avoir besoin de l’hypothèse de la " liberté intelligible " pour décharger l’ens perfectum de sa responsabilité dans la façon dont est conditionné ce monde, en un mot pour expliquer le mal : une logique scandaleuse chez un philosophe…) La morale en tant qu’évaluation supérieure. Ou bien notre monde est l’œuvre et l’expression (le mode) d’un dieu : alors il faut qu’il soit d’une