Page:Nietzsche - La Volonté de puissance, t. 2.djvu/262

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croyance aux lois et à l'évaluabilité des choses qui n'inspirerait plus que de l'ennui, - où le plaisir qui cause le hasard, l'incertitude, le subit, jaillit comme une incitation...

Arrêtons-nous un instant à ce symptôme de culture supérieure, - je l'appelle le pessimisme de la force. L'homme n'a plus besoin maintenant d'une " justification du mal ", il condamne précisément la " justification ": il jouit du mal pur et cru, il trouve le mal sans raison le plus intéressant. Si jadis il a eu besoin d'un Dieu il est maintenant ravi d'un désordre universel sans Dieu, d'un monde du hasard, où ce qui est terrible, ambigu et séducteur fait partie de l'essence même...

Dans un pareil état, c'est précisément le bien qui a besoin d'une " justification ", c'est-à-dire qu'il lui faut avoir un fond méchant et dangereux, ou renfermer en lui une grande bêtise: alors il plaît encore. L'animalité n'éveille plus la terreur; une impétuosité spirituelle et heureuse qui prend parti en faveur de la bête dans l'homme est, à de pareilles époques, la forme triomphante de la spiritualité. L'homme est maintenant assez fort pour pouvoir être honteux de croire en Dieu - il peut maintenant jouer de nouveau à l'avocat du diable. S'il préconise en pratique le maintien de la vertu, ce sera pour des raisons qui font reconnaître dans la vertu la subtilité, la ruse, une forme de l'avidité du gain et de la puissance.