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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES

ne supporte pas l’air doux de notre civilisation. L’hypocrisie fait partie de l’âge des fortes croyances, où, même en étant forcé de faire parade d’une autre foi que la sienne, on n’abandonnait pas sa foi. Aujourd’hui on l’abandonne, ou bien, ce qui est plus fréquent encore, on fait acquisition d’une seconde croyance, — dans tous les cas on reste honnête. Il est incontestable que de nos jours il est possible d’avoir un plus grand nombre de convictions que l’on n’en avait autrefois : possible, c’est-à-dire permis, ce qui signifie inoffensif. C’est ce qui produit la tolérance envers soi-même. — La tolérance envers soi-même permet plusieurs convictions : ces convictions vivent en bonne intelligence, elles se gardent bien, comme tout le monde aujourd’hui, de se compromettre. Avec quoi se compromet-on aujourd’hui ? Avec de l’esprit de conséquence. Lorsque l’on suit une ligne droite. Lorsque l’on ne prête pas à double sens, je veux dire à quintuple sens. Lorsque l’on est véridique… Je crains bien que, pour certains vices, l’homme moderne soit simplement trop commode : ce qui fait que ces vices s’éteignent littéralement. Tout le mal qui dépend de la volonté forte — et peut-être n’y a-t-il pas de mal sans force de volonté, — dégénère en vertu dans notre atmosphère molle… Les quelques rares hypocrites que j’ai appris à connaître imitaient l’hypocrisie : c’étaient, comme l’est aujourd’hui un homme sur dix, des comédiens. —

19.

Beau et laid. — Rien n’est plus confidentiel, disons