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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


cela. Nous sommes déjà au-dessus des choses que nous pouvons exprimer par des paroles. Dans tous les discours, il y a un grain de mépris. Le langage, semble-t-il, n’a été inventé que pour les choses médiocres, moyennes, communicables. Avec le langage celui qui parle se vulgarise déjà. — Extrait d’une morale pour sourds-muets et autres philosophes.

27.

« Ce tableau est ravissant ! »… La femme littéraire, insatisfaite, excitée, vide au fond du cœur et des entrailles, écoutant tout le temps avec une curiosité douloureuse, l’impératif, qui, des profondeurs de son organisation, lui souffle : « aut liberi aut libri » : la femme littéraire, assez cultivée pour écouter la voix de la nature, même quand elle parle latin, et, d’autre part, assez vaniteuse, assez petite oie pour se dire encore en secret et en français : « Je me verrai, je me lirai, je m’extasierai et je dirai : Possible que j’aie eu tant d’esprit[1] ?…  »

28.

Les impersonnels parlent. — « Rien ne nous est plus facile que d’être sages, patients, supérieurs. Nous distillons l’huile de l’indulgence et de la sympathie, nous poussons la justice jusqu’à l’absurdité, nous pardonnons tout. C’est pourquoi nous devrions nous créer, de temps en temps, une petite passion, un petit vice passionnel. Cela peut nous être amer,

  1. Note wikisource.— Galiani : lettre à Mme d’Épinay, 18 septembre 1769.