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LE CRÉPUSCULE DES IDOLES


toujours davantage, et avec toujours plus d’outrecuidance. En fin de compte, il a le grand nombre pour lui. Il faut complètement renoncer à l’espoir de voir se développer une espèce d’homme modeste et frugale, une classe qui répondrait au type du Chinois : et cela eût été raisonnable, et aurait simplement répondu à une nécessité. Qu’a-t-on fait ? — Tout pour anéantir en son germe la condition même d’un pareil état de choses, — avec une impardonnable étourderie on a détruit dans leurs germes les instincts qui rendent les travailleurs possibles comme classe, qui leur feraient admettre à eux-mêmes cette possibilité. On a rendu l’ouvrier apte au service militaire, on lui a donné le droit de coalition, le droit de vote politique : quoi d’étonnant si son existence lui apparaît aujourd’hui déjà comme une calamité (pour parler la langue de la morale, comme une injustice —) ? Mais que veut-on ? je le demande encore. Si l’on veut atteindre un but, on doit en vouloir aussi les moyens : si l’on veut des esclaves, on est fou de leur accorder ce qui en fait des maîtres. —

41.

« Liberté, libertépas chérie !… » — Être abandonné à ses instincts en un temps comme le nôtre, c’est là une fatalité de plus. Ces instincts se contredisent, se gênent et se détruisent réciproquement. La définition du moderne me paraît être la contradiction de soi physiologique. La raison de l’éducation exigerait que, sous une contrainte de