Page:Nietzsche - Le Crépuscule des Idoles - Le Cas Wagner - Nietzsche contre Wagner - L'Antéchrist (1908, Mercure de France).djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
L’ANTÉCHRIST


surgit comme un éclair. Réponse : le judaïsme régnant, sa classe dirigeante. Depuis lors, on se trouva en révolte contre l’ordre, on considéra postérieurement Jésus comme un révolté contre l’ordre établi. Jusqu’alors ce trait guerrier et négatif manquait à son image : plus encore, il en était la négation. Il est évident que la petite communauté n’avait pas compris l’essentiel, l’exemple donné par cette mort, la liberté, la supériorité sur toute idée de ressentiment : cela prouve combien peu elle le comprenait ! Par sa mort Jésus ne pouvait rien vouloir d’autre, en soi, que de donner la preuve la plus éclatante de sa doctrine… Mais ses disciples étaient loin de pardonner cette mort, ce qui eût été évangélique au plus haut degré ; ou même de s’abandonner à une pareille mort en une douce et sereine tranquillité d’âme… C’est le sentiment le moins évangélique, la vengeance, qui reprit le dessus. Il était impossible que la cause fût jugée par cette mort : on avait besoin de « récompense », de « jugement » (— et pourtant que peut-il y avoir de plus contraire à l’Évangile que « la récompense », la « punition », le « jugement ! ») L’attente populaire d’un messie revint encore une fois au premier plan : un moment historique fut pris en considération : le « royaume de Dieu » descend sur la terre pour juger ses ennemis… Mais c’est là la cause même du malentendu : le « royaume de Dieu » considéré comme acte final, comme promesse ! L’Évangile avait précisément été l’affirmation, l’accomplissement, la réalité de ce « royaume ». C’est la mort du Christ qui fut le « royaume de Dieu ». Maintenant on inscrivit dans le type du