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L’ANTÉCHRIST


d’assez de mépris. Et pourtant le christianisme doit sa victoire à cette pitoyable flatterie de la vanité personnelle, — par là il a attiré à lui tout ce qui est manqué, bassement révolté, tous ceux qui n’ont pas eu leur part, le rebut et l’écume de l’humanité. Le « salut de l’âme », autrement dit : « le monde tourne autour de moi… » Le poison de la doctrine des « droits égaux pour tous » — ce poison le christianisme l’a semé par principe ; le christianisme a détruit notre bonheur sur la terre… Accorder l’immortalité à Pierre et à Paul fut jusqu’à présent l’attentat le plus énorme, le plus méchant contre l’humanité noble. — Et n’estimons pas à une trop faible valeur la fatalité qui du christianisme s’est glissée jusque dans la politique ! Personne aujourd’hui n’a plus l’audace des privilèges, des droits de domination, du sentiment de respect envers soi et son prochain, — du pathos de la distance. Notre politique est malade de ce manque de courage ! L’aristocratisme de sentiment a été le plus souterrainement miné par le mensonge de l’égalité des âmes, et si la foi en les « droits du plus grand nombre » fait des révolutions, et fera des révolutions, c’est, n’en doutons pas, le christianisme, ce sont les appréciations chrétiennes qui transforment toute révolution en sang et en crime ! Le christianisme est une insurrection de tout ce qui rampe, contre ce qui est élevé : l’évangile des « petits » rend petit…

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— Les Évangiles sont d’inappréciables documents