Page:Nietzsche - Le Crépuscule des Idoles - Le Cas Wagner - Nietzsche contre Wagner - L'Antéchrist (1908, Mercure de France).djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
332
L’ANTÉCHRIST


sable, par exemple la conception, la femme, le mariage, prennent ici du sérieux et sont traitées avec respect, amour et confiance. Comment peut-on mettre entre les mains des enfants et des femmes un livre qui contient ces paroles abjectes : « Toutefois pour éviter l’impudicité que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari… car il vaut mieux se marier que de brûler » ? Et a-t-on le droit d’être chrétien tant que la création des hommes est christianisée, c’est-à-dire souillée par l’idée de l’immaculée conception. Je ne connais pas de livres où il soit dit autant de choses douces et bonnes à la femme que dans la Loi de Manou ; ces vieilles barbes et ces saints avaient une façon d’être aimables envers les femmes qui n’a peut-être pas été dépassée depuis : « La bouche d’une femme, y est-il dit, le sein d’une jeune fille, la prière d’un enfant, la fumée du sacrifice sont toujours purs. » Ailleurs : « Il n’y a rien de plus pur que la lumière du soleil, l’ombre d’une vache, l’air, l’eau, le feu et l’haleine d’une jeune fille. » Et ailleurs encore, — et c’est peut-être aussi un saint mensonge — : « Toutes les ouvertures du corps au-dessus du nombril sont pures, toutes celles qui sont au-dessous sont impures ; mais chez la jeune fille le corps tout entier est pur. »

57.

On surprend en flagrant délit l’irréligiosité des moyens chrétiens, si l’on compare les buts chrétiens avec les buts de la Loi de Manou, — si l’on éclaire d’une lumière très vive la grande contradiction de