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LE CAS WAGNER


droit à la reconnaissance publique en donnant une expression précise des trois procédés les plus précieux.


Tout ce que Wagner ne peut pas, est méprisable.

Wagner pourrait encore bien des choses : mais il ne les veut pas, par rigueur de principe.

Tout ce que peut Wagner, personne ne le fera après lui, personne ne l’a fait avant lui, personne ne devra le faire après lui… Wagner est divin…


Ces trois thèses sont la quintessence de la littérature de Wagner ; le reste est — « littérature ».

Toute musique n’a pas eu jusqu’ici besoin de littérature : on fera bien d’en chercher ici la raison suffisante… Serait-ce que la musique de Wagner soit trop difficile à entendre ? Ou bien craignait-il, au contraire, qu’on la comprît trop facilement, — qu’on ne la comprît pas assez difficilement ? De fait, il a passé toute sa vie à répéter cette phrase : que sa musique ne signifie pas seulement de la musique ! Mais bien davantage ! Mais infiniment davantage !… « Ce n’est pas que de la musique » — ainsi ne parle aucun musicien. Je le répète, Wagner ne pouvait créer de toute pièce, il n’avait pas le choix, il devait faire des œuvres décousues, des « motifs », des attitudes, des formules, des redoublements, des complications ; il demeura rhéteur en tant que musicien, — il lui fallut donc, par principe, mettre au premier plan son : « cela signifie… ». « La musique n’est jamais qu’un moyen » : c’était là sa théorie, c’était là, avant tout, la seule pratique qui lui fût possible. Mais aucun musicien ne pense ainsi. — Wagner