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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

et un enfantillage. Peut-être, un jour, les idées les plus solennelles, celles qui ont provoqué les plus grandes luttes et les plus grandes souffrances, les idées de « Dieu », du « péché », n’auront-elles pour nous pas plus d’importance que les jouets d’enfant et les chagrins d’enfant aux yeux d’un vieillard. Et peut-être le « vieil homme » a-t-il besoin d’un autre jouet encore et aussi d’un autre chagrin, — se sentant encore assez enfant, éternellement enfant !

58.

A-t-on observé combien l’oisiveté extérieure, ou une demi-oisiveté, est nécessaire à la vraie vie religieuse (autant au microscopique travail favori de l’examen de soi qu’à cette douce résignation qui s’appelle « prière » et qui est une attente perpétuelle de la « venue de Dieu »), je veux dire cette oisiveté avec une bonne conscience que l’on pratique dès l’origine et par tradition, non sans un certain sentiment aristocratique qui insinue que le travail déshonore, c’est-à-dire qu’il rend le corps et l’âme vulgaires ? A-t-on observé que, par conséquent, l’activité laborieuse des temps modernes, cette activité bruyante et fière qui utilise bêtement chaque minute, prépare et dispose, mieux que tout le reste, à l’incrédulité ? Parmi ceux qui vivent aujourd’hui, par exemple en Allemagne, à l’écart de la religion, il y a des hommes de « libre pen-