Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
152
PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

190.

Il y a quelque chose dans la morale de Platon qui n’appartient pas véritablement à Platon, mais qui se trouve dans sa philosophie, on pourrait dire, malgré Platon. Je veux parler du socratisme, pour lequel il possédait en somme trop de distinction. « Personne ne veut se nuire à soi-même, c’est pourquoi tout le mal se fait involontairement. Car le méchant se nuit à lui-même. Il ne le ferait pas s’il savait que le mal est mauvais. En conséquence, le méchant n’est méchant que par erreur. Qu’on lui enlève son erreur et il deviendra nécessairement — bon. » — Cette façon de conclure sent son populaire, car le peuple ne voit dans les mauvais procédés que les conséquences nuisibles, et juge, en fait : « il est sot d’agir mal » ; tandis qu’il considère simplement « bon » comme identique à « utile » et à « agréable ». Pour tout ce qui est utilitarisme dans la morale, on peut de prime-abord conclure à cette même origine, et suivre son flair : on se trompera rarement. — Platon a fait tout ce qu’il a pu pour introduire une interprétation subtile et distinguée dans la doctrine de son maître, avant tout, pour s’y introduire lui-même, — lui, le plus audacieux de tous les interprètes qui ramassa tout Socrate dans la rue, comme le thème d’une chanson populaire, pour le varier jusqu’à l’infini et à l’impossible : c’est-à-dire qu’il y mit ses propres