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NOS VERTUS

blée (qui ont entrepris de faire regarder la cause de l’égoïsme comme celle du bien-être général —) n’a jamais voulu comprendre et flairer que le « bien-être général » n’est pas un idéal, un but, une chose concevable d’une façon quelconque, mais tout simplement un vomitif, que ce qui est juste pour l’un ne peut être juste pour l’autre, que la prétention d’une morale pour tous est précisément un préjudice porté à l’homme supérieur, bref, qu’il existe une hiérarchie entre homme et homme, et par conséquent aussi entre morale et morale. C’est une espèce d’homme modeste et foncièrement médiocre que ces Anglais utilitaires ; et, je le répète, tant qu’ils sont ennuyeux on ne peut tenir en assez haute estime leur utilité. On devrait encore les encourager, ce qu’on a tenté de faire, en partie, dans les vers suivants :

Salut à vous, braves charretiers,
Toujours « le plus longtemps sera le mieux »,
Toujours plus raides de la tête et des genoux,
Sans enthousiasme ni plaisanterie,
Irrémédiablement médiocres,
Sans génie et sans esprit !


229.

Ces époques tardives, qui auraient le droit d’être fières de leur humanité, gardent encore tant de crainte, tant de superstition craintive au sujet de la « bête sauvage et cruelle » dont l’assujettissement fait la gloire de cette époque plus humaine,