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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

gence, ou aux heures de défaillance, ou l’âge venu : ils se reposaient d’eux-mêmes en devenant « patriotes ». Je songe à des hommes comme Napoléon, Gœthe, Beethoven, Stendhal, Henri Heine, Schopenhauer. Qu’on ne m’en veuille pas trop de nommer à leur suite Richard Wagner. Il ne faut pas se laisser induire à le mal juger par ses propres méprises sur son compte : aux génies de son espèce il n’est pas toujours donné de se comprendre eux-mêmes. Et que l’on ne se laisse point tromper par le vacarme malséant au moyen duquel, en ce moment même, en France, on cherche à le repousser et à l’exclure : cela n’empêche qu’il n’y ait une parenté étroite et intime entre le romantisme tardif des Français des années 1840 à 1850 et Richard Wagner. Ils ont en commun les mêmes aspirations les plus hautes et les plus profondes : c’est l’âme de l’Europe, de l’Europe une, qui, sous la véhémente diversité de leurs expressions artistiques, fait effort vers autre chose, vers une chose plus haute. — Vers quoi ? vers une lumière nouvelle ? vers un soleil nouveau ? Mais qui se flatterait d’expliquer avec précision ce que ne surent pas énoncer clairement ces maîtres, créateurs de nouveaux modes d’expression artistique ? Une seule chose est certaine, c’est qu’ils furent tourmentés d’un même élan, c’est qu’ils cherchèrent de la même façon, eux, les derniers grands chercheurs ! Tous dominés par la littérature, qui