Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/51

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24.

O sancta simplicitas ! Quelle singulière simplification, quel faux point de vue l’homme met dans sa vie ! On ne peut pas assez s’en étonner quand une fois on a ouvert les yeux sur cette merveille ! Comme nous avons tout rendu clair, et libre, et léger autour de nous ! Comme nous avons su donner à nos sens le libre accès de tout ce qui est superficiel, à notre esprit un élan divin vers les espiègleries et les paralogismes ! Comme, dès l’abord, nous avons su conserver notre ignorance pour jouir d’une liberté à peine compréhensible, pour jouir du manque de scrupule, de l’imprévoyance, de la bravoure et de la sérénité de la vie, pour jouir de la vie ! Et c’est seulement sur ces bases, dès lors solides et inébranlables de l’ignorance, que la science a pu s’édifier jusqu’à présent, la volonté de savoir sur la base d’une volonté bien plus puissante encore, la volonté de l’ignorance, de l’incertitude, du mensonge ! Le langage, ici comme ailleurs, ne peut pas aller au delà de sa lourdeur, et continue à parler de contrastes alors qu’il n’y a que des degrés et des subtilités de nuances ; de plus, la tartuferie de la morale, cette tartuferie incarnée qui