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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

taire, tant elle s’acharne contre lui ! Dans cette période de transition, on se punit soi-même, par la méfiance à l’égard de ses propres sentiments ; on martyrise son enthousiasme par le doute, la bonne conscience vous apparaît déjà comme un danger, au point que l’on pourrait croire que le moi en est irrité et qu’une sincérité plus subtile s’en fatigue. Encore, et avant toute autre chose, on prend parti, par principe, contre la « jeunesse ». — Dix ans plus tard on se rend compte que cela aussi n’a été que — jeunesse !

32.

Durant la plus longue période de l’histoire humaine — on l’appelle les temps préhistoriques — on jugeait de la valeur et de la non-valeur d’un acte d’après ses conséquences. L’acte, par lui-même, entrait tout aussi peu en considération que son origine. Il se passait à peu près ce qui se passe encore aujourd’hui en Chine, où l’honneur ou la honte des enfants remonte aux parents. De même, l’effet rétroactif du succès ou de l’insuccès poussait les hommes à penser bien ou mal d’une action. Appelons cette période la période prémorale de l’humanité. L’impératif « connais-toi toi-même » était alors encore inconnu. Mais, durant les derniers dix mille ans, on en est venu, peu à peu, sur une grande surface du globe, à ne plus considérer les conséquences d’un acte comme décisives au point