Page:Noailles - Les Forces éternelles, 1920.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

PENSÉE DANS LA NUIT



L’averse communique à l’air un goût marin,
Le vent frémit ainsi qu’une immense flottille,
La lune entr’ouvre aux cieux un aileron d’airain,
Une étoile endormie à peine brille et cille ;
Et je respire avec une ample volupté
Cette verte, élastique et fraîche crudité
Du feuillage content, qui, comme un hymne, élance
La pure odeur de l’eau dans le puissant silence !

Tout repose, l’air est mouillé comme une fleur,
Chaque point de l’éther tranquillement s’égoutte,
Un vent plus vif répand sa subite candeur ;
Je suis là, faible humain, je contemple, j’écoute.
Le vent noir vient à moi, et dans mon souffle heureux
S’élance avec l’odeur des torrents et des cieux.
Et mon cœur se dilate, et l’infini pénètre
La tristesse attentive et sage de mon être.