Page:Nodier - Ackermann - Vocabulaire de la langue française.djvu/10

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fiques avec la pierre philosophale, la quadrature du cercle, et le mouvement perpétuel.

Si cette proposition est démontrée pour tout le, monde comme pour moi, tout". le monde en tirera la même induction que l’Académie, dont je crois l’opinion implicite assez manifestée par son silence : c’est que la prononciation figurée par des signes équivoques (et je ne pense pas qu’elle puisse l’être autrement ) n’est qu’une superfé ta t ion vaine et trompeuse dans les vocabulaires. Mais comment lutter aujourd’hui, dans une entreprise littéraire même que l’autorité dont elle émane destine à devenir classique, avec ces innovations de la presse qui ont pourvu à tout, sans excepter l’impossible, et dont on n’oserait décliner l’initiative, sous peine d’être accusé de maladresse ou d’impuissance ? ^ Il y a d’ailleurs des considérations, à garder dans les résolutions extrêmes, et spécialement dans celle-ci, car le svstème dé prononciation , le plus vicieux possible , repose sur un principe utile, et il peut éclairer l’usagé de la parole de quelques lumières précieuses. Ce n’est certainement pas une chose indifférente, par exemple, que de représenter la prononciation de certains mots difficiles par quelques signes plus précis, quand on les trouve dans l’alphabet sans être obligé de les tordre à des. acceptions nouvelles , et que cette leçon auxiliaire du mot ne présente aucune ambiguïté à l’expression. Par malheur, cela n’arrive pas souvent* .

Nous admettons w par conséquent la méthode tant de fois essayée de représenter la prononciation avec une orthographe qui n’a jamais été faite pour cela , et nous sommes réduits à cette extrémité, comme je l’ai dit, par une concurrence qui nous effrayerait moins si elle ne pouvait pas avoir des résultats fort dangereux pour la pureté du langage. On a vu tout-à^Pheure que les, dictionnaires de prononciation avaient fourni, sur le premier mot venu, quatre autorités différentes à quatre différents barbarismes, et on se demande avec inquiétude comment une de ces quatre erreurs officieuses ne prévaudrait pas tôt ou tard , comment elles rie prévaudraient pas toutes ensemble ,’ peut-être , sur la prononciation vraie qui né peut s’écrire. Cependant il est non-seulement probable , mais certain, que cela, doit arriver ; car un faitsensible et matériel qui est consacré dans les livres classiques d’une science prévaudra toujours sur un fait abstrait que les livres n’ont aucun moyen d’exprimer ^ surtout dans les temps de scepticisme universel qui correspondent infailliblement à la décadence des langues, ./"’..

La naïve prononciation delà langue française est donc mise en grand péril par les dictionnaires de prononciation,.

Il semble qu’il appartenait à l’Académie française (et je lui soumets cette opinion avec toute la déférence que je dois à ses lumières) de réprimer cette frénésie phonographiqué dont l’influence n’est pas aussi méprisable qu’on l’imagine. C’était beaucoup de s’abstenir, saris doute, et l’Académie Ta fait presque tou- {’ours ; mais il fallait peut-être condamner hautement, il fallait proscrire le bar- )arîsme de la parole dans sa vocalisation et dans son articulation comme dans sa construction lexique. Si l’écriture est le corps visible et persistant du langage , la prononciation enestl’àme. C’est elle qui le vivifie, qui le soutient, qui règle et accélère ses progrès, qui l’use enfin , et qui l’abandonne après l’avoir usé. Le premier symptôme de mort des langues qui finissent, c’est l’altération capricieuse et systématique de la prononciation, et nos linguistes de vocabulaires n’épargnent rien pour hâter cette catastrophe.

Un Traité de Prononciation, appuyé sur un alphabet philosophique où toutes les valeurs positives de notre prolation française seraient représentées par des signes* propres, éclairci’par des analogies et aes comparaisons empruntées à nos langues congénères , et surtout émané de haut, serait donc, selon moi, avant l’immense et magnifique travail auquel l’Académie vient de se dévouer, le monument le plus utile et le plus imposant que l’homme eût jamais élevé à sa parole. Dénué de tout ce qui serait indispensable pour produire et pour accréditer un pareil ouvrage, le temps, les. facultés, l’autorité, la mission ; justement effrayé d’une entreprise qui excéderait de beaucoup les bornes d’une préface, et peut-être* d’un volume ; convaincu d’ailleurs qu’elle exigerait, pour développer nettement ses résultats à tous lés esprits, des signes ou des caractères qui nous