Page:Nodier - Ackermann - Vocabulaire de la langue française.djvu/12

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assez positivement qu’il n’a rien d’absolu, car la prononciation est de sa nature une chose arbitraire et presque individuelle, qui restera toujours équivoque entre deux personnes, et surtout entre cent mille. Une induction essentielle qui résulte de ceci , c’est que l’orthographe exactement appropriée à la prononciation , même dans un langue à faire qui posséderait un alphabet complet , serait le chaos de la parole. Quand chacun écrira sa prononciation au lieu d’écrire la langue orthographique, il n’y aura plus de langue. Cette remarque se répétera aès l’acception de prononciation figurée que j’ai donnée au B, première de nos consonnes, devant les consonnes fortes. U est reconnu de tous les grammairiens qui se sont occupés de la prononciation que ce contact fortifie la consonne faible, et la fait passer à la valeur de sa touche dure. Il n’y a rien de plus sensible dans les mots formés du latin. Ainsi atteindre, attendre , atténuer, ne sont certainement pas composés sur la disjonctive or, mais sur la préposition ad , dont la consonne s’est affermie par sa cpntingence avec l’initiale suivante. Il en est de même du b placé au-devant des cousonnantes rudes qui lui imposent la rudesse, de leur articulation. Je ne crois pas qu’on, prononce ni absurde, ni obtus, parce qu’il serait impossible de prononcer de cette manière sans appuyer le b sur une voyelle qui n’est pas écrite, et qui augmenterait vicieusement le nombre des syllabes du mot, mais apsurde et optus ; et c’est sous celte forme que j’en ai figuré la prononciation, tout en m’en référant à ce que j’ai dit ci-devant sur le crédit que méritent ces approximations plus ou moins capricieuses. Un lexicographe qui se propose de peindre là prononciation par des équivalents ne peut jamais peindre que la sienne, ou tout au plus celle des gens qui prononcent le mieux selon lui. C’est un renseignement, mais ce n’est pas une garantie, et c’est encore moins une règle. La prononciation du g, et du c,’k , ou qu , sa lettre forte, est aussi une des [)lus mobiles et des plus équivoques de notre alphabet parlé. On en jugera par a squle épellation de ce signe, telle qu’elle est enseignée aux petites écoles , dans la leçon ga, ge , gi, go, gu. Il est évident- que devant Va et Yo le g a la valeur éclatante d’une gutturale ; que devant Ve et IV son articulation ne fait plus que doubler surabondamment celle de la soufflante ou chuintante y, comme elle se prononce dans Je’rôme ; que devant Vu elle acquiert une troisième puissance , presque généralement inconnue ou innommée des grammairiens. Quand je dis Gauthier, Germain, Guillaume, on ne saurait nier que j’emploie trois initiales distinctes de propriété , qui demanderaient chacune un signe spécial’ dans un alphabet régulier. La première a le son propre du g gamma ; la seconde peut se représenter facilement par le/,*rqui ne diffère en rien dans Germain de ce qu’il est dans Jérôme ; la troisième est une de ces consonnes auxquelles uu caractère propre a failli ; et qui ne sauraient s’enseigner que par l’oreille. Elle est toutefois usitée par les Italiens, qui l’emploient sous la double figure du gk dans un grand nombre de mots* Je l’ai appelée # mouillé, avec plus d’égards pour les routines de l’analogie que pour l’analyse et la physiologie grammaticales. Il en est précisément de même des lettres rudes c, k, ou au, si variées, quojque identiques, dans la prononciation de Caroline, de G/bile et de Cuirasse, de Kaaba et de Kyrielle , de Quentin et de Quintilicn. On voit que leur contact avec les mêmes voyelles produit sur elles les mêmes métamorphoses ; et cela devait être dans des sons ae même formation qui ne diffèrent entre eux que par le plus ou le moins de fermeté de la touche. Cette troisième acception de la gutturale de la touche forte, comme elle se remarque dans Cuirasse, dans Kyrielle, dans Quintilien, est la variété que j’ai désignée par le nom de c mouillé, à défaut d’une autre dénomination plus philosophique, parce que toutes les dénominations sont à peu près également bonnes quand elles sont comprises et convenues. Le g, ou gutturale douce, acquiert une quatrième propriété par l’adjonction de la nazale n, ainsi qu’on le lit dans Charlemagne. C’est celle que les Italiens expriment par la même combinaison de lettres, et les Espagnols par le n tilde, ou surmonté d’une barre horizontale. J’en ai- fait le n mouillé, appellation qui définît assez bien, selon moi, la nature de cette articulation, en attendant qu’on la caractérise mieux. Ce qu’il est important d’observer ici, c’est que cette articulation, non plus que celle du double U mouillé, n’est jamais initiale en français, si ce n’est dans quelques patois auxquels le Vocabulaire ne