Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/191

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gnerois rien à réfléchir plus longtemps, je me jetai la face contre terre.

— Seigneur, m’écriai-je enfin en me relevant sur mes genoux dans l’humble attitude de la résignation, ou votre majesté n’est point malade, ou le mal dont elle est frappée se dérobe à mon savoir impuissant. Je suis incapable de la guérir.

À ces mots, le roi rassembla le reste de ses forces pour m’accabler de sa colère, mais il ne put faire qu’un geste et pousser qu’un cri. — Qu’on le mène à la mort, dit-il.

— Seigneur, dit le médecin en se rapprochant de l’auguste malade, votre indignation est légitime, et votre vengeance est trop douce. Permettez-moi cependant de vous indiquer un moyen de la rendre utile à la conservation de ces jours précieux sur lesquels reposent la prospérité de l’Égypte et le bonheur du monde. Votre majesté, qui sait tout ce que savent les rois, ces dieux visibles de la terre, n’ignore pas que notre loi nous défend d’attenter au cadavre et de troubler par une étude sacrilège le saint repos de la mort. Cette science impie des Cafres et des giaours nous est sagement interdite, mais le divin Alcoran ne nous a défendu nulle part d’en puiser les rares secrets dans les entrailles d’un criminel vivant. Si votre mansuétude paternelle, qui veille incessamment à la conservation de vos sujets, daignoit m’accorder ce misérable, couvert de forfaits et d’ignominie, je me crois assez expert dans mon art pour l’ouvrir et le disséquer, sans toucher aux parties nobles, et pour découvrir dans ses viscères palpitants le mystère et le remède des douleurs qui vous tourmentent, car l’amour seul de votre personne sacrée m’a inspiré cette prière.

Pendant cette allocution effroyable, la moelle s’étoit figée dans mes os, et j’attendois la réponse du tyran dans une horrible perplexité. Un sourire d’espérance