Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/282

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— Un tiers de ligne ! dit-il à la cuisinière qui vint ouvrir.

— Un tiers de ligne ! dit-il à sa femme, en la mouillant de ses pleurs.

— Ma perruche s’est envolée ! dit sa petite fille, qui pleuroit comme lui.

— Pourquoi laissoit-on la cage ouverte ? répondit Théodore. — Un tiers de ligne !

— Le peuple se soulève dans le Midi, et à la rue du Cadran, dit la vieille tante qui lisoit le journal du soir.

— De quoi diable se mêle le peuple ? répondit Théodore. — Un tiers de ligne !

— Votre ferme de la Beauce a été incendiée, lui dit son domestique en le couchant.

— Il faudra la rebâtir, répondit Théodore, si le domaine en vaut la peine. — Un tiers de ligne !

— Pensez-vous que cela soit sérieux ? me dit la nourrice.

— Vous n’avez donc pas lu, ma bonne, le Journal des Sciences médicales ? Qu’attendez-vous d’aller chercher un prêtre ?

Heureusement le curé entroit au même instant pour venir causer, suivant l’usage, de mille jolies broutilles littéraires et bibliographiques, dont son bréviaire ne l’avoit jamais complètement distrait, mais il n’y pensa plus quand il eut tâté le pouls de Théodore.

— Hélas ! mon enfant, lui dit-il, la vie de l’homme n’est qu’un passage, et le monde lui-même n’est pas affermi sur des fondements éternels. Il doit finir comme tout ce qui a commencé.

— Avez-vous lu, sur ce sujet, répondit Théodore, le Traité de son origine et de son antiquité ?

— J’ai appris ce que j’en sais dans la Genèse, reprit le respectable pasteur ; mais j’ai ouï dire qu’un sophiste du siècle dernier, nommé M. de Mirabeau, a fait un livre à ce sujet.