Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/46

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M. CAZOTTE[1].

Le troisième jour, cet homme cria « Malheur à Jérusalem ! malheur à moi ! » Et une pierre, lancée par les balistes des assiégeants, le tua sur les murailles !
Prophétie de Cazotte.

AVERTISSEMENT.

Il n’est pas du tout question ici de la fameuse prophétie de Cazotte, rapportée quelque temps après le 9 thermidor par La Harpe converti. C’est une chose faite et à peu près jugée, que je ne pourrois ni recommencer sans manquer aux convenances de la modestie, ni étendre en développements sans manquer à celles du goût. Je pense, comme tout le monde, que cette scène est en grande partie d’invention, et je suis persuadé que La Harpe lui-même n’a jamais conçu l’espérance de lui donner l’autorité d’un fait véritable. Il y seroit cependant parvenu assez facilement, s’il n’avoit exagéré, au delà de toute vraisemblance, la puissance de prévision du vieillard inspiré, en caractérisant les événements prédits par des circonstances trop positives, que les vagues intuitions de la seconde vue ne saisissent point, si elles saisissent quelque chose. La Harpe, homme d’esprit et de talent, étoit tout à fait nul sous le rapport de l’imagination, et il n’est pas étonnant qu’il ait maladroitement usé d’un instrument qui n’étoit point à son usage. On va loin quand on ne sait où l’on va, et qui ne voit le but le passe. Pour faire illu-

  1. Ce fragment est tiré d’un roman que j’avois entrepris d’écrire dans le goût de Cazotte. Des travaux très-obscurs, mais bien mieux appropriés à mon âge et à mes études, m’ont forcé à l’abandonner. Il n’en paroîtra jamais autre chose.
    (Note de l’Auteur.)