Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/88

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goûter la paix de sa solitude et les douces exhalaisons de ses fleurs. Tous les habitants du château s’y rendirent dans la soirée, et l’y trouvèrent, plus resplendissante que la veille. Ils tombèrent à genoux dans un respectueux silence.

« Puissante reine des anges ! dit la châtelaine, c’est ici la demeure que vous préférez. Votre volonté sera faite. »

Et peu de temps après, en effet, un temple embelli de tous les ornements que prodiguoit l’architecte inspiré en ces siècles d’imagination et de sentiment, s’éleva autour de l’image révérée. Les grands de la terre la voulurent enrichir de leurs dons, les rois la dotèrent d’un tabernacle d’or pur. La renommée de ses miracles se répandit au loin dans tout le monde chrétien, et appela dans la vallée une multitude de femmes pieuses qui s’y rangèrent sous la règle d’un monastère. La sainte veuve, plus touchée que jamais des lumières de la grâce, ne put refuser le titre de supérieure de cette maison. Elle y mourut pleine de jours, après une vie de bonnes œuvres, d’exemples et de sacrifices, qui s’exhala comme un parfum au pied des autels de la Vierge.

Telle est, suivant les chroniques manuscrites de la province, l’origine de l’église et du couvent de Notre-Dame-des-Épines-Fleuries.

Deux siècles s’étoient écoulés depuis la mort de La Sainte, et une jeune vierge de sa famille étoit encore, suivant l’usage, sœur custode du saint tabernacle ; ce qui veut dire qu’elle en avoit la garde, et que c’étoit à elle qu’il appartenoit d’ouvrir le tabernacle aux jours solennels où l’image miraculeuse était offerte à la piété du peuple. C’est elle qui avoit soin d’entretenir l’élégance toujours nouvelle de sa parure ; d’en chasser la poussière et les insectes malfaisants ; de recueillir, pour composer sa couronne ou pour orner son autel, les fleurs du jardin les plus gracieuses dans leur port et les plus