Page:Noel - Le Rabelais de poche, 1860.djvu/187

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son air serein, sereine, salubre, plaisante. Je me perds en cette contemplation. Entre les humains, paix, amour, dilection, fidélité, repos, banquets, festins, joie, liesse, or, argent, menue monnaie, chaînes, bagues, marchandises trotteront de main en main. Nul procès, nulle guerre, nul débat ; nul n’y sera usurier, chiche, lésineux, ni ladre. Vrai Dieu, ce sera l’âge d’or, le règne de Saturne, l’idée des régions olympiques où toutes vertus ont disparu, où charité seule règne, gouverne, domine, triomphe. Tous seront bons, tous seront beaux, tous seront justes. Ô monde heureux !… en peu d’années vous y verriez les saints plus drus, plus miraclifiques, à plus de leçons, plus de vœux, plus de bâtons et plus de chandelles que ne sont tous ceux des neuf évêchés de Bretagne, exceptez-en seulement saint Yves.

Sur ce patron, figurez-vous notre microcosme, en tous ses membres prêtant, empruntant, devant ; c’est-à-dire en son naturel, car nature n’a créé l’homme que pour prêter et emprunter. Plus grande n’est l’harmonie des cieux que celle de sa police. L’intention du fondateur de ce microcosme est d’y entretenir l’âme et la vie qu’il y a mises en hôtes. La vie consiste en sang ; sang est le siège de l’âme ; c’est pourquoi un seul labeur occupe ce monde, c’est forger sang continuellement ; tous les membres y ont leur office propre, et leur hiérarchie est telle que sans cesse l’un de l’autre emprunte,