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EINSTEIN ET L’UNIVERS.

Si la pesanteur était une force analogue à l’attraction électrique, à la traction d’une locomotive, ou bien à l’action propulsive d’une charge de poudre, il ne devrait pas en être ainsi. Les vitesses qu’elle imprime à des masses disparates devraient être différentes. Les deux trains inégalement massifs de notre exemple précédent reçoivent des accélérations inégales sous l’impulsion de la même locomotive. Pourtant, si subitement une fosse profonde s’ouvrait sous eux, ils y tomberaient avec la même vitesse.

De là à penser que la gravitation n’est pas une force comme le voulait Newton, mais simplement une propriété de l’espace dans lequel se meuvent librement les corps, il n’y a qu’un pas. Einstein le franchit sans hésitation.

Imaginons dans un colossal gratte-ciel un ascenseur dont le câble de retenue soudain se rompt. L’ascenseur va tomber d’un mouvement accéléré, moins vite cependant qu’il ne ferait dans le vide, à cause de la résistance de l’air et du frottement de la cage de l’appareil. Mais imaginons par surcroît que la machine électrique qui actionne l’ascenseur ait, du même coup, son commutateur inversé, et accélère la chute de telle sorte que la vitesse descendante s’accroisse chaque seconde de 981 centimètres. Réaliser cela ne serait qu’un jeu pour les ingénieurs, bien que l’intérêt de cette expérience n’ait pas, jusqu’aujourd’hui, paru assez évident pour la justifier. Mais pourquoi n’aurions-nous pas le droit,