Page:Normand - La Muse qui trotte, 1894.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

candeur ; elle est si différente de celle qu’exige la traduction poétique de ma pensée habituelle ! Dans les cadres impérieux du rythme, la vive éclosion d’une saillie me semble bien plus malaisée à respecter que n’importe quel état d’âme réfléchi ; une fleur n’est-elle pas plus vulnérable qu’un fruit ? (Vous voyez par cette image que je ne m’humilie pas !)

La mesure de vos vers n’emprunte rien aux innovations récentes. Je ne saurais m’en plaindre, j’appartiens par mes maîtres au passé. Vous y demeurez également fidèle. Vous pensez comme moi sans doute qu’il n’y a rien eu d’arbitraire dans la préférence accordée par l’oreille à certaines combinaisons harmonieuses que lui offrait le langage spontané. Ces combinaisons, déterminées par des rapports arithmétiques, ne sont pas en nombre illimité ; tout porte à croire que, dans son œuvre de sélection séculaire, l’ouïe en a épuisé les essais. Il serait, en effet, surprenant qu’elle eût jusqu’à nos jours négligé de reconnaître les délices d’un vers de treize syllabes, par exemple. Les sens ne sont pas coutumiers d’oublis pareils dans la recherche de leurs voluptés.