Page:Normand - Le Laurier sanglant, 1916.djvu/86

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J’avais une chaumière où je vivais joyeux ;
Les maudits l’ont brûlée : et moi, déjà si vieux,
Sans maison, sans travail, sans parents, sans personne,
Hélas ! je fus forcé de demander l’aumône.
Cependant pour partir j’ai longtemps hésité !
Rester, c’était subir un vainqueur détesté :
Car voyez-vous, jamais, quoi qu’on dise ou qu’on fasse,
On ne pourra semer que la haine en Alsace…
Mais partir ! Laisser tout, le sol qu’on a creusé,
Le ciel plus beau qu’ailleurs, le clocher ardoisé,
Les grands champs de houblon, le ruisseau, la prairie,
Et tous ces mille riens qui forment la patrie,
Ah ! laisser tout cela, c’était dur, et pourtant
Je m’y suis décidé, monsieur, en un instant.

Un soir, en cheminant, je gagnais un village
Pour y passer la nuit : car c’était mon usage
D’aller de place en place en demandant du pain.
Je marchais fatigué, triste, mourant de faim,
Quand soudain j’aperçus, en clignant la paupière,