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RICHARD WAGNER

dans l’excitante scène d’amour, combien ses désirs durent s’aviver ! Aussi, à mesure qu’il approche de la fin, son ardeur de composition se ralentit. Le terrible second acte semble le repousser, et visiblement, la tentation de se consacrer à Tristan, puis de renouer avec le monde théâtral, se manifeste dans tout ce qu’il fait.

D’abord, lui qui jadis n’admettait pas que Berlioz se souciât d’un ouvrage ayant comme Benvenuto douze ans d’âge, le voilà (1) qui se met à retravailler l’ouverture de Faust écrite quinze ans auparavant. Sans doute, entre ce sombre morceau et le second acte de la Walkyrie, il y a une certaine corrélation, a Le Dieu qui habite dans mon sein a peut remuer profondément tout mon être ; mais « s’il règne sur mes propres forces, il ne peut rien « faire mouvoir au dehors. Voilà pourquoi la vie « m’est à charge. Je hais l’existence et désire la « mort. » Ces vers désespérés que Wagner emprunta à Gœthe pour en faire l’épigraphe de son ouverture, pourraient être mis dans la bouche de Wotan. Mais ce qui est significatif, c’est que Wagner retoucha surtout le passage intermédiaire, où vibre non plus le simple désespoir, mais le désir, le désir de la femme. Et dans les développements de ce passage, s’est glissée une phrase courte mais saisissante, qui est précisément celle, exprimant dans Tristan, l’angoisse passionnée qui s’empare du

(1) B. Wagner Liszt. T. II, p. 50.