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HYMNE


Amour riant à la babine
Des dogues noirs et des taureaux,
Au bout de la patte féline,
Et de la rime féminine ;

Amour, qu’on noie au fond des brocs,
Ou qu’on reporte sur la lune,
Cher aux galons des caporaux,
Doux aux guenilles des marauds ;

Aveugle qui suit la fortune,
Menteur naïf dont les leçons
Enflamment dans l’ombre opportune
L’oreille rose de la brune ;

Amour, bu par les nourrissons
Aux boutons sombres des Normandes ;
Amour des ducs et des maçons,
Vieil amour des jeunes chansons ;

Amour, qui pleures sur les brandes
Avec l’angelus du matin
Sur les steppes et sur les landes
Et sur les polders des Hollandes ;

Amour, qui voles du hautain
Et froid sourire des poètes,
Aux yeux des filles dont le teint
Semble de fleuret de satin,

Qui vas sous le ciel des prophètes
Du chêne biblique au palmier,
De la reine aux anachorètes,
Du cœur de l’homme au cœur des bêtes ;