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SAVOIR AIMER

Récolte dont le fils a préparé les granges,
Et dont les moissonneurs vermeils seront les anges.
La nature nous aime, elle cause avec nous,
Les sages l’écoutaient, assis sur leurs genoux,
Parler avec la voix des eaux, le bruit des arbres.
Son cœur candide éclate au sein sacré des marbres.
Elle est la jeune aïeule ; elle est l’antique enfant !
Elle sait, elle dit tout ce que Dieu défend
À l’homme enfant qui rit comme au taureau qui beugle ;
Et le regard de Dieu s’ouvre dans cette aveugle.
Quiconque a le malheur de violer sa loi
A par enchantement soi-même contre soi.
N’opposant que le calme à notre turbulence,
Elle rend au besoin rigueur pour violence,
Terrible à l’insensé, docile à l’homme humain ;
Qui soufflette le mur se fait mal à la main.
La nature nous aime et donne ses merveilles.
Ouvrons notre âme, ouvrons nos yeux et nos oreilles,
Voyez la terre avec chaque printemps léger,
Ses verts juillets en flamme ainsi que l’oranger,
Ses automnes voilés de mousselines grises
Ses neiges de Noël tombant sur les églises
Et la paix de sa joie et le chant de ses pleurs,
Dans la saveur des fruits et la grâce des fleurs.
La vie aussi nous aime, elle a ses heures douces
Des baisers dans la brise et des lits dans les mousses
Jardin, connu très tard, sentier vite effacé,
Où s’égarait Virgile, où Jésus a passé.
Tout nous aime et sourit, jusqu’aux veines des pierres,
La forme de nos cœurs tremble aux feuilles des lierres,
L’arbre où le couteau grave un chiffre amer et blanc
Fait des lèvres d’amour de sa blessure au flanc,