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CANTIQUE À LA REINE


Oui, c’est la nuit qui vient, la nuit qui filtre au fond
De l’âme qui décline,
Et grelotte déjà dans cet hiver profond
Comme une ombre orpheline ;

Aussi je crie : ô vous, n’aurez-vous pas pitié
De notre temps qui souffre,
Naufragé qui s’aveugle et qui chante, à moitié
Dévoré par le gouffre ?

Ô vite, envoyez-nous le cœur plein de pardons
Et les yeux pleins de flamme,
Celui qui doit venir, puisque nous l’attendons,
Lui seul prendra les âmes,

Sa main se lèvera seulement sur les fronts
Noirs de gloire usurpée,
Et les divins conseils de Dieu lui donneront
La parole et l’épée ;

Il sera le pasteur, il sera le nocher,
Il fera pour l’Église
Jaillir le sentiment comme l’eau du rocher
Sous la main de Moïse.

Car, rien ne sert d’avoir, pour fonder sur le cœur
Incertain de la foule
Un monument qui monte et qui sorte vainqueur
Du siècle qui s’écroule,

Une lyre géante et des lauriers autour
D’un front lourd de conquêtes,
Et les rimes du vers, dramatique tambour
Que frappent deux baguettes.