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aocieanes qu’ait revôtuos la o matière de Bretagne • (poèmes sur Tristan, lais do Marie de Franco) ont un charme, une fraîcheur singulière, unis souvent à une troublante intensité de passion. Puis viennent les romans « arihurions », dont Chrétien do Troyos. Raoul do Huudan, Uenaut do Beaujou font lo véhicule do l’esprit « courtois «, d’abord absolument étranger ù la poésie celtique. Les légendes rolifi^ieiisos finissent môme, comme dans les poèmes sur lo lirtuil, par pénétrer celle-ci, et elles en altèrent plus oncoro lo caractère. — A côté de ces deux cycles, le moyen à^o on reconnaissait un troisième, celui de lantlquiié. Il avait, en effet, pour les récits antiques une passion aussi intense que peu réfléchie. Alexandre et César étaient presque aussi populaires que Chartcmag^ne et Arthur, et on so les représentait sous les mômes traits. A ce cycle se rattachent les poèmes sur Alexandre par Lambert le Tort, Alexandre do Bernay et Pierre do Saiut-Cloud, le lioman de Troie, par Benoît do Sainte -Moro. et ceux (anonymes) CCEnéas et de Théôes (écrits entre 1160 et 1180). — A ces trois sortes do récits vinrent s’ajouter bientôt des imitations do romans grecs ou byzantins (traduits au préalable en latin), dont lo succès fut considérable ; les plus importants do ces poèmes sont : Apollonius de Tyr, Èracle, par Gautier d’.rras ; Cligès, par Chréiion de Troyos ; Aucassin et Nicolette, Floire et Blanche/leur, l Escoufle, Guillaume de Dôle et le lioman de la Violette.

Les œuvres précédentes afrîchaicnt la prétention, plus ou moins justiiiéo, d’instruire lo lecteur ; il n’en est pas de môme des fableaux (xii" et xiii* s.), qui so donuont eux-mêmes comme des « bourdes ", ou « gabets » : petits récits d’inspiration souvent triviale ou ordurière, précieux par la vive et minutieuse itointure de la vie populaire.

Les isopets, ou recueils de fables, sont dos traductions de recueils latins : l’Ai-’m'Jiis (formé do fables grecques) et le Romulus (fables de Phodro et fables byzantines). Poutètro, à l’origine, leurs autours avaient-ils l’intention do moraliser ; co souci a toujours été étranger à l’esprit des nombreux auteurs du lioman de Renart, qui découle, lui, décentes populaires, dont les héros étaient des animaux. La grande originalité de ce recueil, dont les origines remontent au moins au début du su’ siècle ot dont les morceaux les plus récents sont du xiV, est d’avoir individualisé les animaux au point de pouvoir leur donner des noms propres ; la satire, d’abord étrangère à l’œuvre, s’y glissa vite et s’y til une place do plus en plus prépondérante.

B. PoÉsiB LYRIQUE. Il ost aujourd’hui démontré que le nord de la France a possédé une poésie lyrique origmale, dont los formes essentielles étaient la romance et la chanson à personnages ; mais, vers le milieu du xii* siècle, ces genres furent remplacés par des imitations, serviles et souvent maladroites, de la poésie lyrique des troubadours, où une extrême complication des rythmes refroidit encore une inspiration fort artificielle ; néanmoins , quelques genres primitivement apparentés à la poésie populaire {aube, pastourelle, débat), s’ils n’échappèrent pas complètement à l’intluence provençale, furent traités par les trouvères avec un réel agrément et une originalité relative.

C. Littérature didactique. De bonne heure, les grands éprouvèrent le besoin d’être renseignés sur les origines de leurs familles ou le cours des événements contemporains. A ce double désir répondit, avec plus de zèle que de critique, l’historiographie en langue vulgaire. C’est pour les rois anglo-normands quo furent écrits VHistoire des Anglais do G. Gaimar (vers 1150), puis le Drut et le Hou de Wace (1155-1175) et enlin l’Histoire des ducs de Sormandie de Benoit. La troisième croisade fut racontée en vers par un certain Ambroiso, la quatrième en prose par Villehardouin, Robert de Clari et Henri de Valenciennes. Mais la plus grande partie do la littérature didactique affecte un caractère moral ou religieux et émane de clercs : ce sont d’abord des traductions de la Bible et des Evangiles (surtout des apocryphes), de légendes concernant la Vierge Marie (Miracles de ^’otre-Dame, do Jean le Marchant ot de Gautier de Coinci) ; ce sont aussi des traités ascétiques, dont plusieurs sont, pour ainsi dire, sécularises par les préoccupations mondaines qui y apparaissent ou l’esprit satirique qui y domine : tels sont le Livre des vianiéres d’Etienne de Fougères (vers 1170) ; les Bibles de Guyot do Provins et Hugues de Berzé ; le Miserere et le lioman de Charité du Reclus de Molliens.

Troisième période : De la mort de saint Louis à la fin de la guerre de Cent ans {{270-1453). Elle est marquée par la décadence des genres d’imagination et la prédominance dos genres didactique et dramatique. La poésie narrative (chansons de geste, romans d’aventures, romans en prose de la Table ronde) continue à. être abondante, mais la vie s’en retire ; l’histoire continue à s’écrire en vers, mais les œuvres en prose l’emportent par lo nombre et la valeur : les Récits d’un ménestrel de Reims, les Afémoires de .loinville, les Chroniques de Saint-Denis, jalonnent la route au bout do laquelle se drosse l’incomparable monument que Froissart, à la tin du xiv* siècle, élève à la prose historique française.

Parmi los poètes lyriques, d’une mièvrerie banale, Rutebeuf, amer et vigoureux, forme une remarquable exception ; au XIV* siècle. Mâchant renouvelle, sans réussir à los vivifier, dos formes quo Froissart et Charles d’Orléans manient avec plus d’élé^^anco quo d’originalité.

Dès le milieu du xiii’ sièclo, lo goût des connaissances précises so répan-i de plus en plus ; on traduit ou on rédige on français dos traités do jurisprudence (los Assises de Jérusalem de Philippe do Novare, les Coutumes de Beanvaisis de Beaumanoir, le Conseil do Pierre de Fontaines), ou do grandes compilations scientifiques (le Tn^sor do Brunetto Latini, la Bible historiate io Guy&rd des Moulins). Ce mouvement aboutit. A la fin du XiV sièclo, à co grand effort d’érudition auquel sont attachés les noms d’Oresme, Bercheure, Raoul de Preslos, Philippe de Maizières, Alain Chartier, les premiers surtout humanistes, les autres écrivains politiques, souvent originaux. Lo goût do la science, descendu jusque dans les couches profondes do la nation, avait trouve satisfaction dans la seconde partie du Jioman de la Rose (vers 1275) : c’est une sorte d’encyclopédie morale et scieniiiique, bizarrement greffée par Jean de Meung sur le poème allégorique de Guillaume do Lorris, où se donne carrière un très vif es-

S rit de libre examen, et qui contribua à créer un courant ’idées nouveau, dont la puissance ost attestée par lo succès de l’œuvre.

Le théâtre surtout prend dans celte période un rapide accroissement. Dès la fin du xti* siècle, on représentait uas les égllsos, comme do vivants commentaires des

offices, de petites scènes étroitement subordonnées & la liturgie el rattachées aux cycles de Noôl et de Pâques. Durant le xiii* siècle, le théâtre dut être très varié, si 1 on on juge par les spécimens, rares, mais extrêmement divers,

a m nous en sont restés. Do toute la production dramatique u XIV* sièclo nous n’avons plus quo le vaste recueil des Miracles de Notre-Dame, curieux, malgré la médiocrité du stylo, par la naïveté des procédés scéoiquos et un saisissant réalisme. Au xv» siècle s’épanouissent les germes qui se développaient obscurément depuis cent cinquante ans : le théâtre religieux, brisant les doux moules qui lavaient d’abord enserré, met en scène non seulement la vie do Jésus-Christ et sa Passion, mais d’innombrables miracles ou vies do saints ; à l’imitation dos • mystères • , on représente d’immenses drames sur les sujets les plus variés et les plus modernes. Enfin, mille confréries dramatiques, florissant non seulement à Paris (Basoche, Enfants Sans-Souci), mais aux quatre coins de la province, multipliaient à I envi les soties, farces, moralités, où coulaient à pleins bords l’esprit gaulois et la verve satirique. L’arrêt du parlement do Paris du 17 novembre i548. en privant de son répertoire la plus puissante corporation dramatique do Paris, porta un coup mortel au théâtre du moyen âge et fraya la voie â celui de la Renaissance.

Le xvi« siècLB. Première période : De la fin de la guerre de Cent ans à la mort de Henri IV {iioS-tSfO). De la lin de la guerre de Cent ans à la mort de Louis Xll (f453-t5f5). — Tandis que le commencement du xV siècle appîirtient, pour l’histoire littéraire, à l’époque précédente, la fin, suivant l’expression de Gaston Paris, • depuis que les expéditions d’outre-monts eurent ouvert la société française aux influences de la culture italienne, forme, avec la première moitié du xvi* siècle, le prélude de l’époque moderne »,

La fin de la guerre de Cent ans et l’expulsion des Anglais marque, pour l’activité nationale, une ère de paix et do quiétude intellectuelle. L’esprit bourgeois en protite aussitôt pour prendre son essor et inspire une littérature terre â terre, mais vive ot caustique. L’âge de la poésie aristocratique est passé : on ne compose plus de poèmes de chevalerie, on met en prose ceux qui existent déjà, et la typographie naissante les multiplie. Cette inspiration surannée ne subsiste plus guère que dans le poème prolixe et diffus de Martin Le Franc : le Champion des Dames, composé dans la veine du Roman de la Rose.

Partout ailleurs, c’est un esprit de fine raillerie qui domine, et les œuvres qui expriment le mieux les asjpirations du moment sont des pièces d’un souffle court, d une facture aisée, non sans grâce et sans distinction. Ces qualités fleurissent dans les allégories de Martial d’Auvergne, dans les parodies du Rémois Guillaume Coquillart. Elles s’épanouissent dans la nouvelle en prose, imitée de l’italien et en particulier du Décaméron, genre que le xv* siècle vit naître. Les Cent Nouvelles Nouvelles, savoureuses par le piquant du dialogue et la justesse narquoise des traits de moeurs, appartiennent pour la plupart à. toine deLaSale,

l’auteur également heureux du Petit Jehan de Saintré, et des Quinze joies de mariage. Ce ton d’irrévérence brutale ou bouffonne pénètre jusque dans la chaire chrétienne avec Ménot ou Maillard.

Deux noms dominent, avec celui d’Antoine de La Sale, cette période indécise : François Villon et Philippe de Comines. A l’esprit de saillie, à l’observation pénétrante qui est le fond des qualités de son époque, Villon ajoute la sincérité du sentiment que fait valoir la vivacité de l’expression. Quant à Comines, écrivain embarrassé el lourd, mais observateur admirable, il a tracé le meilleur tableau de cette époque, dominé par d’amples vues d’ensemble.

Mais, à côté de ces deux noms si rapprochés de nous à certains égards, que d’attardés, que de pédants puérils occupés à des e.xercices de style ! Une école grandit â la cour de Bourgogne, â la suite de Georges Chastellain, poète inégal, noble ou emphatique, naturel ou ridicule à l’occasion, et cette école n’aura pour soucis, comme ce o suprême rhétoriqueur», que les tours de force littéraires, allitérations sonores et vides, rimes équivoques, batelées, enchaînées, annexées, etc. Ils continuaient, sans le savoir, les humanistes du règne de Charles V. Les principaux représentants de cet esprit suranné furent Jean Molinet, de Valenciennes, et Jean Lemaire de Belges, et, après eux, en France même, Guillaume Crétin, Jean Meschinot et Marot. C’est avec eux que se continua pondant tout le règne do I^Auis XII et que prit fin dans lo ridicule, la tradition du moyen âge littéraire.

Deuxième période : De l’avènement de François l*’ à la Pléiade (/5/5-/550). — Les guerres d’Italie changèrent lo cours des lettres françaises on révélant aux esprits la beauté des lettres antiques. Sans doute, celles-ci n étaient pas inconnues, mais leur interprétation bornée et ser%’ile n’avait donné lieu qu’à dos productions imitées sans adresse et sans art. C est â l’Italie quo la France est redevable d’avoir compris le sons profond ot la forme admirable des pages antiques. L’effet no se produisit guère qu’au bout d’une vingtaine d’années : mais il marqua d’une empreinte ineffaçable les conceptions de l’esprit français. C’est là co qu’on a nommé la « Renaissance t, souffle vivifiant qui anime lo vieil humanisme et fait passer avant le respect étroit des formes extérieures do l’antiquité le culte plus élevé de ses idées. Il est vrai que, en même temps, la Reforme rêve de rétablir le christianisme primitif ot contenir ainsi l’éveil do la conscience individuelle, provoqué par les lettres profanes. D’abord unies contre un ennemi commun, la tradition du moyen âge, la Renaissance et la Réforme concourent au même but. Mais, bientôt, l’entente ost rompue, et, là où la Renaissance triomphe, c’est que la Réforme a échoué.

Le règne de François I"" vit l’éclosion de ce noiïvol ordre de choses. Lo prince l’encouragea par vanité, tandis que sa sœur, Marguerite d’AngouIême. personnifie touces les aspirations do la Renaissance débutante. Il n’est guère d’écrivains qui ne lui doivent peu ou prou. C’est, an premier rang. Clément Marot. Celui-ci incarnait parfaitement son temps, avec sa grâce légère, nonchalante, quoique laborieuse. Par surcroît, il ser-it grandement à marquer la nouvelle voie do la poésie par la conscience »iuil avait de son art, la netteté de son stUe. lo charme mélancolique de sa diction. Jusqu’à Marot, Ta langue des vers avait été incertaine et flottante, le vers indécis : il leur donne le reliet, la précision. Faguet a dit fort justement : • U y a eu trois Madherbe de 1500 ft 1600 : c’est Marot, Ronsard et Malherbe. • La premidro étape est ainsi morqaée. U suffit,

FRAiNCE

ponr en saisir l’importance, de rapprocher le naturel plein de bon sens de Maroc de l’afféterie de Mellin de Saiot-Gelais, que les contemporains lui opposèrent quelquefois. La poussée la plus fongueuse et la plus puissante de l’esprit de la Renaissance produisit Rabelais. Pour être lourde cl épaisse, sa vervo ne manque ni de clarté, ni de justesse. Il a la force du style, la puissance de la pensée ot aussi un sens moral intermittent, il est vrai, mais réel cl vivace. Dans son œuvre, qui s’échelonne sur trente années, la grosse gaieté, la plaisanterie savoureuse firent

Fasscr la leçon du penseur, la science embrouillée de érudit, sa satire volontairement diffuse, son appétit de savoir, son amour salutaire do la vie. sa haine de la scolastique, de tout ce qui est viande creuse et mots sonores.

Calvin, qui, dans l’ordre des temps, vient en concurrence avec Rabelais, est lo porte-voix des idées de la Réforme, sec et méthodique, logicien disputeor et irritable. C’est Calvin, c’est sa théologie et son Institution chrétienne, c’est son éloquence sobre et pressante, qui consomme lo divorce de la Renaissance et de la Réforme.

Troisième période : La Pléiade (t550-f6f0). — Marot avait été une individualité éclatante, plutôt qu’un chef d’école. Il fallait encore plus de largeur d’esprit pour concevoir tous les sentiments, plus do vigueur iK)ur les exprimer avec convenance, et co fut lœuvre de la Pléiade de créer une poésie qui fût à la fois artistique et savante et qui, en rénovant les formes antiques, donnât aux modernes la possibilité de les égaler. Cette modification sortit de l’alliance de Ronsard et de Du Bellay, continuateurs en cela, pour une part, des tendances de l’école poétique lyonnaise, de Maurice Scôve et de Louise Labé. Du Bellay, qui précéda légèrement Ronsard, donna en même temps le manifeste do la nouvelle école, et des exemples produits par un talent fluide, facile, plein de mélancolie gracieuse. Esprit toujours tendu, mais vigoureux ei bravo, Ronsard toucha â presque tous les genres d’une main lourde et puissante et sut. par la force de la conviction, établir la renommée la moins contestée. Il groupe ainsi autour do lui des disciples fervents et nombreux ; en dresser la li’ite serait énnmérer tous ceux qui écrivirent en vers jusqu’à la mort de Henri IV : Rémy Belleati, Jean-Antoine ae Baif. Jodelle, Pontus do ThyaVd, Olivier de Magny. Amadis Jamyn, Desportes, Bertaut, Mathurin Régnier. Même ceux quo le catholicisme combatif de Ronsard éloigna de lui, commo Du Bartas et d’.ubigné. lui appartiennent par les ressources de leur imagination et de leur style.

Tandis que la poésie s’élargit, peut-être aux dépens de la clarté, au contraire, la prose française se clarifie et s’épure, à mesure qu’elle sert plus fréquemment aux nécessités de la vie courante. Les polémistes, pour so faireentendre, la dépouillent de ce qu’elle avait de rébarbatif et d’insolite. Les conteurs se font gracieux et nets. Les chroniqueurs et les historiens, essayent de se montrer tels qu ils sont, sans emphase et sans redondance. U n’est pas jusqu’aux traducteurs qui ne fassent œuvre doublement essentielle : ils essayent de conformer leur langage aux modèles simples et vrais qu’il doit rendre, et, grâce à eux, les auteurs du temps peuvent de moins en moins s’attarder â farcir leurs œuvres de lambeaux étrangers que tout le monde connaît maintenant.

Un prosateur do génie émerge an milieu de ces écrivains de second ordre : c’est Montaigne. Par les grâces assagies de son esprit, l’humour nonchalante de sa sagesse, il est bien l’homme de cette seconde partie de la Renaissance française, comme Rabelais fut celui de la première. Moins vigoureux peut-être, assurément plus charmant et délicat, son action pénètre doucement les esprits, les captive et insensiblement les amène au point d’indifférence philosophique où l’on ne s’émeut de rien. Mais Montaigne est une exception dans son temps. L’esprit de la Réformation a provoqué des représailles : on se tue. on s’excommunie avec une égale ardeur d’une et d’antre part. Ne faut-il pas savoir gré à Montaigne d’avoir gardé quelque mesure en un temps qui passait sans débrider des arquebusadcs de Montluc aux joyeusetés de Brantôme 7 Cet esprit de mutuelle indulgence finit par triom)’her avec Henri IV, quand l’esprit politique de celui-ci. aidé du robuste bon sens de la Mémppée, réussit à ramener quelque tranquillité dans les cœurs français.

Les successeurs de Henri IV recueilleront les fruits de cette politique ; pourtant, il a pu en pressentir lui-même l’effet, car il a connu Malherbe, et les attardés de l’âge précédent ont perdu de leur fougue et de leur intransigeance. La prose devint éloquente et grave avec Du Vair, instructive et précise avec Olivier de Serres, riante et trop mignarde avec François de Sales. La poésie s’est amollie, aussi : mais, ce quelle a perdu en force, elle semble le

fagner en douceur, sauf chez quelques esprits trop inépendants pour so soumettre à une contrainte, comme Régnier ou d’Aubigné. Mais le branle est donné, commo eût dit Montaigne, et les années qui vont suivre no feront qu’accentuer le mouvement.

Lr xvti’ SIÈCLE. Première période {J6W’f660) : De la mort de Henri JV à la mort de louis XI (f6f0-17f5). Faits généraux. Le xvii» sièclo n’offre d’abord qu’une confusion extrême : lâ^e précédent se prolonge dans celui-ci, et la limite est diiticile à marquer. Le xvn* siècle commence dès 1600 avec Malherbe : par Montchresiien et d’Aubigné, le XVI» siècle s’étend jusqu’à 16Î0 et même 1630. Dans cetto confusion féconde et puissante, où co qui nait so mêle avec ce qui finit, quelques faits généraux se laissent distinguer. Dans la littérature, comme ailleurs, les passions politiques et religieuses s’amortissent ; l’amour de la paix, de l’ordre, do Punité. impose la monarchie absolue. Un grand courant de libertinage, philosophique et mondain, apparaît, ot, en face, un fort mouvement do renaissance catholique, qui trouve d’illustres représentants, particulièrement à Port-Royal. A l’Hôtel de Rambouillet se constitue une société polie, qui prépare un public et un joug atix écrivains. L’esprit mondain, se combinant avec l inflnence italienne transmise du xvi" siècle et avec l’influence espagnole qui va tout envahir, produit !o goût précieux, dont le goût héroïque et le goût burlesque no sont que des formes extrêmes. Sous cette pression, la littérature s’éloigne du naturel à la recherche du fin. du grand, du bouffon, c’est-à-dire toujours du rare et de l’étonnant. Cependant, l’art classique s’organise peu à peu. sur le double principe de l’observation morale et de la régularité formelle. La philosophie cartésienne opère d’abord comme un auxiliaire de l’art classique et de la religion, en attendant qu’elle aide à les dissoudre : par le goût du vrai, le respect