Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/239

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de l’Orient et dans le sein de la mer, habitait le soleil, lumière vivante et répandant partout la chaleur. Un vieux géant portait le monde, et les premiers enfans de la terre reposaient sous les montagnes, avec leur rage impuissante contre les nouveaux dieux et contre les hommes ; les profondeurs de la mer renfermaient une déesse, et dans les grottes de cristal, un peuple joyeux passait une vie de voluptés. Les fleuves, les arbres, les fleurs, les animaux, avaient la faculté de sentir. Le vin était meilleur, versé par les mains de la jeunesse, un dieu était dans la grappe, une déesse dans les gerbes, et la plus belle habitante de l’Olympe avait dans ses attributions les doux frémissemens de l’amour. Sans cesse la fête des enfans du ciel et des habitans de la terre venait animer la vie, comme un beau printemps, et toutes les races humaines adoraient la flamme, comme la première chose du monde, quand tout à coup, au milieu des tables joyeuses que l’on a dressées, apparaît une image horrible, qui remplit tous les cœurs d’effroi ; les dieux même, en cette circonstance, ne peuvent rien trouver qui soulage leur poitrine haletante. Un mystère profond entoure l’apparition de cette image, qui ne se laisse fléchir, ni par les dons qu’on lui offre, ni par les prières : c’est la mort qui vient interrompre, par des cris d’angoisse et des larmes, le festin voluptueux auquel elle se présente.

Maintenant à tout jamais séparé de ce qui enivrait son cœur, éloigné de ceux qui l’aiment et qui soupirent vainement après lui, l’homme, dont la mort a fait sa proie, n’a pour partage qu’un rêve fastidieux, un cercle étroit lui est assigné, et toutes les jouissances s’évanouissent, et font place à la douleur. Cependant, avec leur esprit hardi et leur amour de la sensualité, les hommes veulent se rendre plus douces les larmes cruelles. La fin de la vie est représentée comme un enfant qui éteint son flambeau et se repose ; la fin de la vie doit ressembler au son de la harpe, et le souvenir se perd dans le fleuve des ombres. Mais la nuit éternelle reste toujours