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LES DISCIPLES À SAÏS

quels prodiges enveloppent leurs vaisseaux de verre ! Les poètes seuls devraient manier les liquides, seuls ils pourraient en parlera la jeunesse. Les laboratoires deviendraient des temples, et les hommes honoreraient d’un culte nouveau leurs liquides et leurs flammes. Combien les villes que baigne la mer ou un grand fleuve s’estimeraient heureuses ! Chaque fontaine redeviendrait l’asile de l’amour, et le séjour des sages. C’est bien pour cela que rien plus que l’eau et le feu n’attire les enfants, et toute rivière leur promet de les mener en des contrées plus belles. Ce n’est pas seulement un reflet du ciel que nous voyons dans l’eau, c’est un doux rapprochement, un signe de voisinage, et quand le désir inapaisé veut s’élever, l’amour heureux aime à descendre dans la profondeur sans limite.

Mais il est inutile de vouloir enseigner et prêcher la Nature. Un aveugle n’apprend pas à voir malgré tout ce qu’on peut lui dire de la lumière, des couleurs et des formes. De même nul ne comprendra la Nature, qui ne possède l’organe nécessaire, l’instrument intérieur qui crée et analyse ; nul ne la comprendra qui, spontanément, ne la distingue et ne la reconnaît en toutes choses, et qui grâce à une joie innée d’engendrer, et se sentant une intime et multiple affinité avec tous les corps, ne se mêle à tous les êtres de la nature, par l’intermédiaire de la sensation, et ne se retrouve pour ainsi dire, en eux. Mais celui qui possède vraiment le sens de la Nature et qui l’a exercé, jouit de la nature tandis