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FRAGMENTS

Une traduction est ou grammaticale ou adaptée, ou mythique. Les traductions mythiques sont les traductions supérieures. Elles reproduisent le caractère pur et complet de l’œuvre d’art individuelle. Elles ne nous donnent pas l’œuvre d’art réelle, mais son idéal. Je ne crois pas qu’il en existe jusqu’ici un modèle parfait. Mais dans maintes critiques et dans des descriptions d’œuvres d’art, on en découvre de claires traces. Il y faut un cerveau, dans lequel l’esprit poétique et l’esprit philosophique se soient absolument interpénétrés. La mythologie grecque est en partie la traduction mythique d’une religion nationale. La madone moderne est également un mythe de ce genre.

Les traductions grammaticales sont les traductions dans le sens ordinaire de ce mot. Elles demandent beaucoup de science, mais n’exigent que des facultés discursives.

Quant aux adaptations, elles exigent, pour qu’elles soient véritables, un esprit poétique supérieur. Elles tombent facilement au travestissement, comme l’Homère iambique de Burger, l’Homère de Pope, et en général toutes les traductions françaises. Il faut que l’adaptateur devienne l’artiste lui-même, et puisse rendre vivante, de telle ou telle façon, l’idée de l’ensemble. Il faut qu’il soit le poète du poète, et puisse le laisser parler en même temps selon l’idée de celui-ci et la sienne propre. Dans un rapport analogue se trouve le génie de l’humanité avec chaque homme individuellement…