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INTRODUCTION

l’aveugle et ceux de l’enfant qui regarde la montagne ou la mer. L’âme de l’homme ne s’y trompe jamais. Il ne s’agit pas seulement ici du mysticisme théologique ou extatique. Tous ceux qui aperçoivent quelque chose par delà les phénomènes habituels des passions ou de la raison sont des mystiques, eux aussi. Si Pascal avait aidé Racine tandis qu’il écrivait Bérénice, l’amour de Bérénice fût devenu mystique, c’est-à-dire plus humain, et Pascal y eût mis je ne sais quoi qui nous eût rappelé le regard de l’amante au moment où ses yeux rencontrent les yeux de l’amant. Et le poème eût été inépuisable. Au lieu que maintenant, Bérénice vit d’une vie sèche et détachée qui ne se renouvellera jamais. Bérénice est impérissable, mais elle ne communique pas avec Dieu comme Hamlet et Cordélia.

Il y a mille mysticismes divers. « Le mysticisme, a dit Matter, le biographe de Claude de Saint-Martin, le mysticisme allant au-delà de la science positive et de la spéculation rationnelle, a tout autant de formes diverses qu’il y a de mystiques éminents. Mais sous toutes ses formes il a deux ambitions qui sont les mêmes : celle d’arriver dans ses études métaphysiques jusqu’à l’intuition, et dans ses pratiques morales jusqu’à la perfection. La science la plus haute et la moralité