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INTRODUCTION

calmes, les plus spontanés et les plus virginaux que l’on puisse rencontrer. Son mysticisme est même si naturel et si intrinsèque qu’on ne l’aperçoit pas dès le premier moment. En lui, les communications infinies se font sans qu’on y songe et s’étendent à tout avec grâce. Il ne se torture pas ; il ne se cherche pas dans les ténèbres ou les larmes ; mais il sourit aux choses avec une indifférence très douce et regarde le monde avec la curiosité inattentive d’un ange inoccupé et distrait par de longs souvenirs. Il joue simplement dans les jardins de l’âme, sans se douter qu’il est tout au bout de la vie, et qu’il passe souvent les mains entre les branches pour cueillir des fleurs de l’autre côté de la haie enflammée. Il est bien loin aussi de la joie exubérante et noire des mystiques ascétiques. Il ignore les flammes intolérables qui dissolvent les âmes aux pôles de l’amour divin. C’est plutôt un enfant émerveillé et mélodieux qui a le sens de l’unité. Il n’est pas triste et il n’est pas inquiet. « Il n’y a pas à proprement parler, de malheur en ce monde », nous dit-il ; et cependant il fut aussi malheureux qu’un autre homme. Mais le malheur ne pouvait descendre dans son âme et ne parvenait pas à troubler ses pensées. « La douleur est une vocation divine », dit-il encore ; mais on sent qu’il ne l’a point connue et qu’il en parle comme un