Page:Novalis - Les Disciples à Saïs, 1914, trad. Maeterlinck.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxxiii
INTRODUCTION

Meister. Il l’aimait et le détestait à la fois comme on aime et déteste une maîtresse à laquelle une loi mystérieuse et méchante vous attache. Ce fut le livre de sa vie, et l’on peut dire qu’il pesa sur toute son existence. Il lutta vainement contre l’ange de « l’ironie romantique », il le contredisait et il le repoussait ; et l’instant d’après, il retombait dans ses bras, les yeux fermés d’admiration. Il savait cependant les défauts de ce bréviaire de la vie quotidienne. « Il est entièrement moderne et prosaïque, nous dit-il. Le romantique y périt, de même que la poésie de la nature et le merveilleux. Il ne parle que de choses ordinaires. L’athéisme artistique, voilà l’esprit du livre ». Mais « l’ardent et saint Novalis », comme l’appelle Emerson, ne pouvait, au milieu des plus grandes douleurs de sa vie, oublier un instant ce « Candide dirigé contre la poésie » qui, jusqu’aux derniers jours, régnera sur son âme avec le souvenir de sa fiancée morte.

Autour de Gœthe, c’est toute l’Allemagne qui fleurit. On connaît l’histoire de l’école romantique. Pour se représenter le milieu où s’écoula sa vie, il importe seulement de savoir que, fort jeune encore, presque un enfant, Novalis approcha bien souvent le tendre et grand Schiller et n’oublia jamais l’extase où le plongèrent ces heures délicieuses. Il fut