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la critique, dans ce cas particulier. Si le chêne a survécu, et non le frêne, cela ne provient nullement des mérites intrinsèques de l’une ou de l’autre plante, mais simplement de circonstances extérieures et fortuites. Si l’on généralise le cas, si, en place d’une pousse individuelle, on met une espèce entière, on arrive à la même conclusion. La morphologie actuelle de chaque espèce est la résultante de millions de facteurs externes purement accidentels. La théorie darwinienne aboutit immédiatement à faire de la férocité la condition pour ainsi dire unique de la vie et de l’évolution. En effet, ceux seuls, parmi les êtres, survivent qui savent le mieux tuer. Quand deux plantes se disputent un terrain, celle des deux qui peut évincer sa rivale survit ; l’autre meurt. Or, évincer veut dire tuer. Donc, l’être supérieur est celui qui sait le mieux tuer. Cette idée a été immédiatement transportée du domaine biologique dans le domaine social et elle a produit l’affirmation de la primauté de la force sur le droit et la théorie du surhomme de Nietzsche. Mais cette idée est complètement fausse, même dans le domaine de la biologie, parce que, ainsi que je viens de le montrer par l’exemple du chêne et du frêne, l’être qui survit est celui qui a traversé les hasards les plus heureux et pas toujours celui qui a le plus de mérites, quels qu’ils soient.

Ce n’est pas à dire, assurément, qu’une meilleure adaptation au milieu et la faculté mieux développée de tuer ne soient un avantage dans la lutte pour l’existence. Je veux montrer seulement que ce n’est pas le facteur unique qui a différencié les espèces et qui a poussé leur évolution vers les formes supérieures de la vie. Justement le grand défaut du darwinisme c’est d’avoir des vues si étroites et si unilatérales. Il considère seulement les rapports entre êtres vivants. Il oublie qu’il existe un univers vaste et infini, avec lequel les êtres vivants sont en relation de tous les moments, et qui agit sur les êtres vivants par des milliards de facteurs minimes et imperceptibles. Les facteurs