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qui peuvent se produire à des intervalles très espacés[1]. Critiquant une œuvre précédente de l’auteur, le professeur Ferdinand Puglia affirme qu’il n’est pas scientifique de soutenir que la lutte contre les semblables est un cas relativement rare. Cependant si le professeur Puglia avait pensé un instant aux relations entre l’homme et le milieu physique, il aurait vite compris combien ces relations sont plus nombreuses que les relations entre les êtres humains, non seulement au sein de l’état, mais même au sein de la famille.

On est allé jusqu’à contester que les rapports de l’homme et du milieu physique puissent être qualifiés du terme de lutte. « Il y a là un véritable abus de mots, dit M. E. d’Eichthal[2]. Lutte devrait toujours impliquer l’intention de se nuire l’un à l’autre. Il n’y a pas de lutte entre ou contre corps bruts ; cela devient une simple métaphore. »[3] Dire que les rapports entre l’homme et le milieu physique ne sont pas une lutte et réserver ce terme uniquement aux rapports entre les hommes, c’est négliger de voir les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de notre activité. M. d’Eichthal a parfaitement raison de dire que l’action d’un corps inanimé sur un autre corps ne peut être qualifiée du nom de lutte que par métaphore. Mais le rapport entre l’homme et le milieu physique qui comprend l’ensemble du monde minéral, végétal et animal, est bel et bien une lutte dans le sens littéral du terme. En effet, la lutte n’a nullement pour but unique de nuire à l’adversaire[4], mais de transformer le milieu selon les convenances de qui l’entre-

  1. Il y aura bientôt cent ans, par exemple, qu’il n’y a plus eu de guerre entre la Grande-Bretagne et la France.
  2. Guerre et paix internationales. Paris, 1909, p. 7.
  3. L’auteur est en contradiction avec lui-même, car il dit un peu plus loin (p. 106) : Le désir de former une fédération internationale « viendra lui aussi d’un instinct de lutte, mais de lutte, non plus contre des ennemis humains, mais contre les éléments hostiles de la nature ». Ici, ou le voit. M. d’Eichthal appelle bel et bien « lutte » une modification du milieu physique n’impliquant nullement l’intention de nuire à quelqu’un.
  4. Ce serait de la pure scélératesse et, du reste, une perte de temps complètement inutile.