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tants. Cependant cela n’est pas vrai. La population est restée stationnaire pour la simple raison qu’un tiers des nouveau-nés mouraient avant d’avoir atteint six mois, la moitié dans les quatre années suivantes, et 17 enfants sur 100 atteignaient l’âge de vingt ans. Les nouveaux venus s’en allaient avant l’âge où ils auraient pu devenir des concurrents. »

Que signifie l’expression : « les habitants n’ont aucune organisation sanitaire » ? Cela signifie purement et simplement qu’ils ne savent pas lutter contre les conditions défavorables du milieu physique. L’immense mortalité des enfants en bas âge vient de l’intempérie des saisons ou des microbes pathogènes. Or, comme les hommes dont il est question ici sont dans l’abondance, la concurrence entre les hommes exerce une action nulle sur la mortalité des enfants. Cette mortalité élevée est causée uniquement par les conditions défavorables du milieu. La preuve en est que la mortalité infantile est réduite fortement dans les pays à climat tempéré et sain.

Ainsi donc, tant au point de vue des animaux qu’au point de vue des hommes, si la lutte pour l’existence améliore les espèces, c’est la lutte contre le milieu physique et non la lutte contre les semblables.


La vie est un certain équilibre entre l’être et son milieu, équilibre qui s’obtient par une action du milieu sur l’individu et une réaction de l’individu sur le milieu. Cette réaction est la lutte. Les naturalistes ont donc parfaitement raison de dire que vivre c’est lutter, mais ce fait doit être interprété d’une façon exacte et non erronée. « Quand j’ai donné à la formule générale de l’équilibre l’expression de lutte universelle, dit M. Le Dantec[1], les pacifistes m’ont répondu que la vraie loi était la loi de l’amour. Partout il y a confusion entre la loi naturelle, résumé de cons-

  1. De l’Homme à la Science. Paris, E. Flammarion, 1907, p. 200.