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Il y a dans ces raisonnements une série d’erreurs qu’il est bon d’examiner une à une.

Où a-t-on pris d’abord que les races inférieures se contentent d’un petit salaire ? Or tout l’édifice de l’argumentation pessimiste est basé sur cette affirmation. Le Chinois se contente de quelques sapèques et vit d’une poignée de riz. Il est sobre ; donc ses produits seront moins chers que les nôtres, donc il nous écrasera.

L’affirmation que les races inférieures se contentent d’un bas salaire quand elles peuvent obtenir un salaire élevé ne supporte pas l’examen un seul instant.

Au Transvaal les ouvriers cafres ont des salaires de 75 francs par mois, plus la nourriture, qui revient à 85 francs. Cela leur fait donc 5 fr. 35 par jour. Les Chinois en Californie gagnent 5 francs par jour[1].

Nous le demandons, pourquoi, dans ces deux cas, les représentants de ces races inférieures ne se « contentent-ils » pas de 25 centimes ? Cela vient de la plus élémentaire des raisons. Les Chinois, comme toutes les créatures vivantes, fuient la douleur et recherchent le plaisir. Il n’y a pas de lois biologiques différentes pour les Européens et pour les « vils » Chinois. Les lois de la nature et les lois sociales sont les mêmes pour toutes les races. Dès qu’un individu a la possibilité de gagner 5 francs, il ne se « contente » plus de gagner cinq sous. L’ouvrier chinois en Californie demande 5 francs par jour sans aucune hésitation et, s’il pouvait en obtenir dix, il les réclamerait immédiatement. Le taux des salaires dépend de facteurs économiques, non de facteurs biologiques. La couleur de la peau et l’angle facial n’ont rien à voir en cette affaire. Un noble Aryen peut avoir des salaires très bas (beaucoup d’ouvriers européens envieraient les salaires des Cafres du Transvaal), un « vil » Touranien des salaires très hauts. D’autre part il ne suffit pas d’être de même race pour avoir les mêmes salaires. Actuellement un charpentier, à Coolgardie, gagne 16 francs par jour et à Odessa seulement 4. Tous les deux sont des blancs cependant.

Si le Chinois se contente de quelques sapèques dans son pays, c’est qu’il ne peut pas faire autrement. Mais dans son pays, dès qu’il peut obtenir davantage, il ne s’en contente plus. Les bases fondamentales des sociétés hindoues et chinoises sont les mêmes que les nôtres. On y observe, comme chez nous, la plus grande variété des fortunes. En Chine, aux Indes, comme en Europe, il y a des millionnaires et des mendiants. En Chine, comme en Europe, les hommes

  1. Pour le Transvaal, voir le Journal des Débats du 5 avril 1896 ; pour la Californie, le Journal des Économistes d’août 1893, p. 984.